politique, fiscalité, modernisation de l'État, action publique, services publics, développement économiques, justice sociale, famille, responsabilité, solidarité, politique, fiscalité, modernisation de l'État, action publique, services publics, développement économiques, justice sociale, famille, responsabilité, solidarité, politique, fiscalité, modernisation de l'État, action publique, services publics, développement économiques, justice sociale, famille, responsabilité, solidarité,

7.2.19

Le débat fiscal se résume à une question : quel niveau de solidarité souhaitons nous.



Le débat fiscal est central dans la vie politique d’une démocratie. Il est particulièrement urgent dans notre pays ; parce-que notre niveau de dépenses publiques est très élevé, 56,4% du PIB en 2016, le plus élevé de l’Union Européenne ; mais aussi parce que notre système fiscal est complexe, peu cohérent, illisible et de moins en moins bien accepté par nos concitoyens, quel que soit leur niveau de revenu.
Il faut, bien sûr, faire attention aux comparaisons. Notre système de retraite complémentaire, parce qu’il est national, est inclus dans les dépenses publiques, à l’opposé de ce qui se passe dans de nombreux autres pays européens. Aux Pays-Bas les prélèvements publics pour la retraite sont moitié moindres que chez nous. Mais pour s’assurer une retraite correcte, les Néerlandais consacrent plus de 6% du PIB à de la retraite privée. Au total les dépenses de retraite sont très proches. Notre natalité est plus élevée que chez nos voisins, ce qui entraine mécaniquement plus de dépenses d’éducation et pour les familles. Le niveau de chômage pèse.
Il y a aussi des biais comptables. Les niches fiscales, plus importantes chez nous qu’ailleurs, sont souvent comptabilisées à la fois en dépenses et en recettes. En 2020, la suppression du CICE, remplacé par des abattements de charges, fera mécaniquement baisser le niveau des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques d’environ 0,8 point de PIB.
Il reste qu’en dehors de la retraite, qu’on peut considérer comme un revenu différé, nos dépenses publiques, dépassent les 40% du PIB : la moyenne européenne est autour de 36%, l’Allemagne est à35%.
Dés lors se posent deux questions : peut-on les diminuer ? Comment les financer ?
Un point ne se discute pas. Il faut améliorer l’efficacité de l’action publique, proscrire tout gaspillage, tout double emploi, exiger parfois des comportements plus responsables.  Nos concitoyens seront plus enclins à payer l’impôt, s’ils ont le sentiment « qu’ils en auront pour leur argent », que les deniers publics sont bien utilisés. Il y a des marges de progression. Mais ne nous leurrons pas. Cela pourra permettre une diminution de quelques dizaines de milliards d’euros, soit 1 à 2 voire 3 points de PIB. Ce n’est pas rien. Mais nous resterons à un niveau élevé.
Au-delà, ce sont les types d’actions publiques qu’il faut interroger. Car les dépenses publiques recouvrent des réalités très différentes : le financement des services régaliens, armée, police, justice…;  de services publics, éducation, culture… ; l’intervention économique, aide à la recherche, infrastructures, protection de l’environnement et développement durable… ; la mutualisation de la prise en charge de certains risques, en matière de santé par exemple ; l’aide aux plus pauvres, RSA, aide au logement…, qui d’ailleurs ne représente qu’une part limitée du PIB (environ 4% ) et qui nous permet d’être dans l’union européenne, 6e sur 28 en termes d’égalité de niveau de vie.
Peut-on remettre en cause en profondeur l’une ou l’autre de ces dépenses ? C’est un débat difficile. Mais ceux qui appellent à une baisse drastique des prélèvements et des dépenses devraient reconnaître qu’une baisse très importante de nos dépenses publiques n’est possible qu’au prix de modifications fortes de notre action publique et de notre système social, d’autant plus que certaines situations pourraient appeler des efforts renforcés : le mal logement, les banlieues, le vieillissement de la population, le réchauffement climatique…
Ce qui est en jeu dans le débat sur les dépenses publiques, au-delà de la nécessaire amélioration de leur efficacité, c’est le niveau de solidarité publique que nous souhaitons.
Il en est de même pour ce qui concerne les prélèvements. Si on s’en tient à la fiscalité des ménages, l’essentiel des prélèvements, CSG, impôts locaux, taxes sur la consommation, sont, au mieux, proportionnels aux revenus. Seuls l’IR est progressif, mais son produit ne représente qu’une très faible part des recettes publiques, 7% environ, à comparer à 25%en Allemagne. Et la fiscalité des plus-values, qui sont une source de revenus très importantes pour les plus fortunés, comporte de très forts abattements.
Les impôts sur le capital sont plus élevés en proportion du PIB que chez nos voisins (avec semble-t-il aussi un volume de capital possédé plus important, rapporté au PIB). Ils ne représentent cependant qu’une part modeste des impôts. Les plus gros postes sont la taxe foncière et les droits de mutation à titre onéreux, qui touchent tous les propriétaires de leur logement. Le produit de l’impôt sur les successions ne représentait en 2016 qu’environ 1% des prélèvements obligatoires.
Cette situation conduit tout à la fois au rejet de l’impôt par une part importante de nos concitoyens, à la difficulté de financer les dépenses, d’où déficit et dette publics et à la nécessité de montage alambiqués, par exemple la prime à l’emploi, pour compenser les taxes et impôts payés par les titulaires de basses rémunérations.
De nouveau nous sommes confrontés à la question : quel niveau de solidarité souhaitons-nous pour la fiscalité. Solidarité à l’intérieur d’une génération : c’est la question de la proportionnalité ou de la progressivité de l’impôt ; solidarité de la génération qui s’en va, vis-à-vis de celles qui suivent, en affectant une partie de son patrimoine pour financer la dette qu’elle leur transmet. Ce sont les choix à faire en matière de fiscalité des successions.
Ceux qui s’inquiètent d’un niveau trop élevé de solidarité publique avancent deux types d’objections.
D’abord ils craignent qu’un niveau trop élevé de prélèvements et de dépenses publiques nuise à la compétitivité. Cette crainte n’est pas corroborée par les faits. Le Danemark qui a de fortes dépenses publiques (51,9% du PIB en 2017) et un impôt sur le revenu extrêmement lourd a une économie très exportatrice et peu de chômage. Si l’action publique est efficace, un haut niveau de dépenses publiques n’est pas incompatible avec un haut degré de compétitivité. Et les comparaisons sur le coût du travail n’ont guère de sens si on ne met pas en parallèle la productivité du travail. Le corollaire d’un haut niveau de dépenses publiques n’est pas la perte de compétitivité, mais l’exigence absolue d’une action publique efficace,
Une objection plus lourde est qu’un niveau élevé de prélèvement inhibe la capacité d’entreprendre, de créer, de se mobiliser dans son travail. Ceux qui proposent une baisse drastique des prélèvements, la mise en place d’un impôt sur le revenu proportionnel, soutiennent, avec de bons arguments, que c’est l’espoir de gain individuel qui fonde la motivation au travail et la prise de risque, permettant ainsi la création de richesses. Et c’est vrai que voir 30 ou 50% de son revenu, en sus des cotisations retraite, partir en prélèvements, ne va pas de soi. En même temps chacun connaît l’énergie et l’intelligence que peuvent développer des infirmières, des agents de maintenance de lignes électriques, des chercheurs, des fonctionnaires…, en contrepartie d’une rémunération modérée. Et le niveau de rémunération n’est pas un indicateur pertinent de la contribution de chacun à l’économie et à la société.
En outre une partie des revenus, notamment parmi les personnes qui reçoivent les plus élevées, est plus la conséquence d’un héritage ou d’une rente (foncière, immobilière…) que d’une prise de risque ou d’un travail d’une valeur exceptionnelle. Aujourd’hui 66% du patrimoine est hérité (47% en 1980).

Ce n’est pas un débat technique, ni même les modèles des économistes qui permettront de fonder les choix en matière de fiscalité et de dépenses publiques. Car ils traduisent, en définitive la place qu’une société veut accorder aux biens publics, aux services publics, le degré de solidarité publique qu’elle souhaite mettre en œuvre, le niveau d’inégalité dans les conditions de vie qu’elle est prête à accepter.
La primauté donnée à la réussite et à l’enrichissement individuels, à la consommation de biens et services personnels pousse à la diminution des dépenses publiques et des solidarités collectives ; avec dans nos pays européens le maintien d’un filet de sécurité minimal pour les plus pauvres. Mais, à l’inverse la montée des inégalités de revenus et de patrimoine invite à plus de solidarité. Et le réchauffement climatique met en lumière notre interdépendance et donc la nécessité d’un engagement collectif pour y faire face.
Sommes-nous disposés à une fiscalité plus solidaire, pour permettre le maintien d’un haut niveau de services publics et d’une forte solidarité publique. Peut-on conserver une économie dynamique si une part croissante de nos gains et de notre patrimoine, en fonction de leur niveau, contribue au bien public par l’impôt sur le revenu ou la fiscalité des successions. C’est de cette façon qu’il faudrait poser le débat fiscal en France et plus encore en Europe, car il est difficile, c’est vrai, d’être solitaire en cette matière. L’air du temps ne s’y prête pas. Mais y renoncer peut nous conduire à un très sombre avenir.