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16.4.20

Ce que nous dit la pandémie: nous avons tous besoin de biens publics.





Ce que nous vivons aujourd’hui nous montre combien est indispensable à la vie de tous, un système de santé efficient avec suffisamment de lits de réanimation, des personnels mobilisables, avec des moyens adaptés. C’est un bien public. Quelque soient les opérateurs, publics ou privés, c’est l’argent public qui les rémunère. Et c’est la puissance publique, qui peut seule, avoir une stratégie de précaution, en constituant des réserves de masques, en surdimensionnant certains équipements pour faire face à des pics d’activité…Comme la crise actuelle nous le montre, la sous-estimation des besoins en biens publics conduit non seulement à des dommages graves pour les populations, plus encore les plus fragiles, mais aussi à des coûts économiques exorbitants. Et l’affaiblissement, ancien, des compétences de l’Etat dans les domaines sociaux nous fait courir des risques importants.
Elle paraît bien hors de propos, en ces temps, la petite musique de « la baisse des impôts », qu’ont entonné tous nos gouvernants, depuis longtemps, pour nous séduire. Car pour disposer de biens publics, il faut les financer, c’est-à-dire lever l’impôt. Et il y a beaucoup de biens publics auxquels nous tenons. : la protection de la santé, mais aussi l’air pur, le climat, la sécurité… Dans les périodes comme celles que nous vivons, nous mesurons à quels points ces biens publics ne sont pas des acquis, mais aussi à quels points ils sont prioritaires par rapport à des envies de biens individuels, dont la publicité, souvent, nous rappelait pourtant il y a peu, le caractère « indispensable ».
Se posent alors deux questions majeures que seul le débat démocratique peut traiter :
Quelles priorités dans la disposition des biens publics.  Quelque soit le volume de ressources qu’on lui affecte, la dépense publique a une limite. Et on ne peut éviter de hiérarchiser les besoins publics.  Dans le domaine de la santé on doit déjà s’interroger. La situation actuelle témoigne de la priorité qui a été donnée depuis plusieurs années au financement de médicaments très coûteux, aux effets souvent limités ou incertains, par rapport à la couverture des soins de base et aux politiques de prévention et de santé publique. Faut-il poursuivre dans cette direction ? Et plus largement, comment répartir les ressources publiques entre la protection de la santé, la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution de l’air, l’accès de tous au logement et à l’éducation, la sécurité de proximité et au-delà de nos frontières… Les experts peuvent donner des éclairages. Mais c’est l’essence même de la responsabilité politique de faire des choix dans ce domaine. C’est pourquoi, dans toutes les démocraties, ce sont les assemblées élues qui votent les budgets publics. Et en définitive c’est aux citoyens qu’il appartient de définir le niveau et l’affectation des ressources publiques. C’est pourquoi ce devrait être un thème central du débat public, en particulier lors des élections.
Où trouver alors les ressources publiques ? c’est-à-dire sur quelles bases lever l’impôt. Quelle part de son revenu chacun doit consacrer à l’impôt, c’est-à-dire à l’accès aux biens publics dont il dispose, « en indivision » avec ses concitoyens. C’est une question difficile. Deux points font facilement consensus : chacun doit participer, car chacun est concerné. Et naturellement on ne peut répartir la charge de façon égale entre tous, car pour certains cela dépasserait largement la totalité de leur revenu. Il est admis que la contribution publique de chacun soit fonction de son revenu. Mais dans quelle mesure le taux de prélèvement doit-il augmenter avec le niveau de revenu. Les réponses à cette question varient selon les époques, les pays…Chez nous, comme dans la plupart des démocraties, l’impôt sur le revenu est progressif. Mais, depuis 2018, les revenus du capital y échappent et sont soumis à un impôt proportionnel, la flat tax. De plus, dans notre pays, l’impôt sur le revenu représente une part très faible des prélèvements globaux et des revenus. La CSG, qui finance une bonne part des dépenses de santé est, elle, approximativement proportionnelle aux revenus. Et elle produit plus que l’impôt sur le revenu ; comme la TVA. Au total, quand on examine la part des prélèvements publics dans les revenus, on constate qu’elle dépend assez peu du niveau de revenu, et qu’elle a même tendance à diminuer pour les plus élevés.
La progressivité de l’impôt est un indicateur du niveau de solidarité qu’une société souhaite mettre en œuvre en son sein. Il est clair que sans progressivité de l’impôt, le volume des ressources publiques et donc des biens publics restera limité. En même temps une progressivité importante ne peut s’envisager que si les mieux lotis considèrent qu’un socle minimal de bien-être pour tous vaut mieux que des ilots confortables, sous bonne garde, réservés à un petit nombre. Cela implique évidemment aussi que l’argent public soit bien utilisé. Dans ce domaine aussi, il y a beaucoup à faire. Bien sûr, la solidarité ne se limite pas à la répartition de l’impôt. Elle touche aussi aux multiples gestes quotidiens, envers des proches et des plus lointains. L’attention à l’autre s’exprime tout à la fois dans l’impôt et dans le comportement de tous les jours. C’est grâce à elle que nous faisons société.

La pandémie montre notre interdépendance. Nous avons le choix d’y répondre par une priorité plus forte aux biens publics et une plus grande solidarité ; ou bien par le repli sur soi, au niveau de notre quartier, de notre entourage, de notre pays, de l’Europe… ; pour combien de temps ?

                                                                                                       Pierre-Louis Rémy


9.2.20

Réforme des retraites : un train peut en cacher un autre.


Réforme des retraites : un train peut en cacher un autre.
Emmanuel Macron, lors de la campagne présidentielle avait clairement annoncé son intention de mettre en place un système de retraite universel, à points. Comme d’autres, j’étais séduit par cette idée, dont les fondements apparaissaient pertinents : justice : un euro cotisé génère les mêmes droits pour tous ; transférabilité : les droits se cumulent quelque soient les changements de statut, salarié du public, du privé, indépendant, agriculteur… ; simplicité : le point a une valeur d’entrée quand on cotise et une valeur de sortie, pour définir le montant de sa retraite.
Pourquoi donc deux mois après sa présentation, ce projet soulève t’il tant de méfiance et d’inquiétude chez une majorité de nos concitoyens. Il y a bien sûr l’appréhension que suscite inévitablement un changement aussi profond et aussi complexe. Il y a aussi l’hostilité que peut générer la remise en cause de droits, considérés comme acquis.
Mais il y a des raisons beaucoup plus profondes, qui expliquent la persistance et même l’accroissement de la méfiance.
En premier lieu, le gouvernement construit un projet qu’il enferme a priori dans une enveloppe financière. Jusqu’à présent toutes les démarches avaient été inverses. On faisait des projections financières et on réajustait éventuellement les droits, au vu de ces éléments. Le système proposé apparaît conçu pour qu’on reste dans l’enveloppe préétablie, c’est-à-dire avec une logique de gestion prioritairement budgétaire. Le risque est d’autant plus grand que le dispositif de gouvernance envisagé dans la réforme est très centralisateur et, malgré les apparences, rend l’Etat maître du jeu.
Ceci est d’autant plus problématique, que le gouvernement a occulté le débat sur la question centrale du niveau de cette enveloppe et de son évolution sur le long terme, dans un contexte où la part des retraités dans la population va continuer de croître. Au motif que les dépenses publiques de retraite sont, chez nous, dans le haut de la fourchette des pays européens, il a considéré que c’était un plafond. Cela peut s’accepter, mais cela aurait mérité un débat public, car cela ne va pas de soi. D’autant plus que les comparaisons internationales sont sujettes à caution. Chez nos voisins, bon nombre de cotisations sont la conséquence d’accords collectifs de branches ou d’entreprises ; et dans ce cadre-là, elles sont obligatoires, pour les employeurs et pour les salariés, mais elles ne figurent pas dans les dépenses publiques de retraite.
Il y a là une deuxième spécificité française : la part des ressources « publiques », c’est-à-dire issues des prélèvements obligatoires, dans la rémunération globale des retraités est sensiblement plus forte que chez nos voisins ; ce qui explique que malgré des dépenses publiques de retraite plus élevées, la baisse de revenus à la retraite soit, chez nous comparable à ce qu’elle est chez eux. Jusqu’à présent les français ont fait le choix de la primauté du système public, dans la continuité des choix faits à la libération, lors de la création de la sécurité sociale. Certains peuvent souhaiter remettre en cause cette situation. C’est leur droit. Encore faudrait-il qu’ils l’affichent clairement et que cela fasse l’objet d’un débat public.
Quant à la justice, dont tous les gouvernants se prévalent, quels doivent en être les contours. En matière de retraite, l’espérance de vie, ne devrait-elle pas être le socle de toute construction « juste ». D’où l’importance de la prise en compte de la pénibilité. Et s’il est nécessaire de mettre en place un âge pivot ou d’équilibre, la justice impose qu’il ne soit pas unique, mais adapté aux caractéristiques des différents métiers. En Suisse, par exemple, les ouvriers du bâtiment peuvent partir en retraite à 60 ans, ce qu’ils font dans leur grande majorité, suite à un accord collectif étendu, qui fait explicitement référence à la pénibilité du travail.
C’est parce-que derrière les objectifs affichés par le gouvernement se cachent, au minimum des choix implicites, et peut-être des intentions cachées, que la réforme envisagée suscite tant de défiance. Du fait de notre système institutionnel, le président de la république a les moyens de la faire adopter. Mais au risque de laisser des traces profondes, qui accroîtront un peu plus la défiance vis-à-vis des gouvernants.

                                                                                                                      Pierre-louis Rémy