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6.5.17

Au nouveau président, un sujet oublié dans la campagne et pourtant si essentiel

Au nouveau président, un sujet oublié dans la campagne et pourtant si essentiel :

 Pour une amélioration de la qualité et de l’efficacité de la gestion publique.

C’est un sujet majeur dans notre pays, compte-tenu de la place qu’y tient le service public, pas seulement en termes économiques, et du nombre de fonctionnaires.
C’est un sujet majeur pour tous ceux qui portent l’objectif politique de la solidarité, car c’est un outil essentiel de réduction des inégalités et de promotion de l’égalité des chances ; et les français de toutes conditions et de tous bords politiques y sont très attachés.
C’est un sujet majeur pour tout gouvernement soucieux de bonne gestion et attaché à la réduction de notre dette et à l’amélioration de notre compétitivité ; parce-que, aujourd’hui, à beaucoup d’égards, le service public ne fonctionne pas bien (voir plus bas), ce qui génère : qualité de service inégale et frustration des usagers ; malaise des agents et parfois, conditions de travail très difficiles ; et coûts très élevés. Si l’on souhaite baisser (ou même stabiliser) les prélèvements obligatoires et faire un peu mieux « aimer » l’impôt, il faut améliorer l’efficacité et la qualité du service public.
C’est un sujet très difficile, d’abord parce qu’il est compliqué : il touche à de multiples facettes de la gestion publique, gestion financière, procédure budgétaire, statut de la fonction publique, gestion des ressources humaines…En outre, il ne suffit pas (et c’est déjà difficile) de définir là où on veut aller ; il faut aussi organiser le « passage de l’état A à l’état B », c’est-à-dire mettre en place un processus de conduite de changement, ce qui n’est pas simple. Ce changement ne peut se faire de façon unilatérale ; il appelle des négociations sociales, auxquelles ni les syndicats, ni les DRH des fonctions publiques ne sont préparés.
Quelques éléments de diagnostic :
-Les fonctions publiques sont très étendues (et le processus continue : la loi Déontologie d’avril 2016, a durci les possibilités de dérogation au statut de fonctionnaire pour les établissements publics). Il y a, chez nous, une sorte d’identification entre service public et statut public des personnels, ce qui n’est pas le cas à l’étranger. Ainsi la part des employés du secteur public bénéficiant d’une garantie d’emploi à vie est de 82% en France, contre 43% en Allemagne et moins de 5% dans les pays nordiques. Et la rigidité des fonctions publiques a un corollaire : la multiplication d’emplois très précaires, pour assurer un minimum de souplesse, dans l’éducation nationale, les hôpitaux…A la différence d’autres pays, les salariés et les syndicats font plus confiance au statut public qu’à la négociation collective pour les protéger.
-le mode privilégié de pilotage des services est la norme, généralement à travers des circulaires innombrables élaborées par les différents bureaux d’administration centrale, sans que le souci de la cohérence et de la capacité de mise en œuvre soit toujours présent. Et la norme est générale, donc mal adaptée à la diversité des situations. Le responsable opérationnel est souvent plus dans la situation d’avoir à appliquer des règles multiples (et parfois contradictoires) qu’à rechercher un résultat. Et quand on assigne un indicateur de résultat (cf le nombre d’expulsions de migrants en situation irrégulière sous Sarkozy), il est ponctuel, ne s’inscrit pas dans l’action globale, et provoque donc toutes sortes de dérives.
-le contrôle comptable privilégie la rigueur formelle, ce qui génère des coûts et des délais, mais aussi peut conduire à brider les initiatives des responsables opérationnels et être contradictoire avec les objectifs qui leur sont donnés.
-les règles d’affectation, d’avancement et de mutation donnent un poids prépondérant au statut (aux corps), à l’ancienneté et à des critères personnels (type : rapprochement de conjoints…), beaucoup plus qu’aux compétences, à l’adéquation au poste, à la performance. Selon une comparaison de l’OCDE, la France est le pays où l’affectation est le plus fondée sur la carrière (le statut) et le moins sur les postes (l’adéquation des compétences au poste), c’est aussi presque (après la Turquie !) celui où l’affectation est la plus centralisée (et donc avec une intervention limitée ou nulle du responsable de service).
-le corollaire de tout cela est une faible reconnaissance des agents, une faible écoute de leurs propositions, de faibles capacités d’initiatives et d’innovation.
-les tentatives de réformes de l’Etat ont été jusqu’à présent des échecs : La LOLF, qui devait permettre de privilégier les concepts de missions et de performance dans l’architecture de la loi de finances, a plus généré un nouveau formalisme qu’une évolution du fonctionnement de l’Etat. Et la RGPP lancée par N.Sarkozy s’est traduite par des  diminutions de moyens et des réorganisations formelles, qui n’ont pas amélioré (et plutôt dégradé) la qualité et l’efficacité du service public (et généré une grande frustration des agents). La source de ces échecs tient notamment au rôle majeur que joue la direction du budget, dans le pilotage de la gestion et de la fonction publique, et dans les tentatives passées de réforme de l’Etat. Or ni sa culture, ni ses objectifs traditionnels (encadrer et contenir la dépense publique) ne la prédispose à réussir la transformation nécessaire de la gestion publique.
-il faut enfin souligner qu’au-delà du discours, cet objectif d’amélioration de la qualité et de l’efficacité de la gestion publique est difficile à porter par les responsables politiques ; parce-que c’est un sujet compliqué qui ne se traduit pas en un petit nombre de mesures simples et affichables ; parce-que il demande du temps, beaucoup de temps ; parce-que les changements génèrent des peurs et entraineront inévitablement des conflits, éprouvants. Il faut beaucoup de courage et de persévérance pour se lancer dans une telle démarche.

Pour agir :
Pour espérer réussir, on doit avoir à l’esprit quelques repères essentiels pour l’action.
-on ne réussit pas un changement si on n’est pas au clair sur l’objectif poursuivi, sur ce qui est essentiel et ce qu’on peut abandonner.
-on ne réussit pas un changement si on n’a pas d’alliés qu’il faut identifier, écouter et prendre en compte. Dans le service public, il y a un nombre significatif d’agents de tous niveaux, qui prennent des initiatives et ont envie que cela bouge. Aujourd’hui ils sont souvent étouffés, voire pénalisés. Il faut les valoriser et s’appuyer sur eux.
-le changement bouscule les situations acquises, demande des efforts. Il faut qu’il y ait des contreparties significatives, qui donneront envie à un grand nombre de tenter le pari du mouvement, et qui permettront, peut-être, de trouver des accords avec certains syndicats, dans les indispensables négociations sociales que les changements statutaires appelleront.

Pour réussir, on sera obligé de bouger certains tabous :
-élargir les recrutements (pour les postes non régaliens) à des non fonctionnaires.
-remettre en cause cette fausse approche de l’égalité qui repose sur l’uniformité
-modifier en profondeur la gestion de la fonction publique (décloisonnement, règles d’affectation, d’avancement, de mutation…). Et atténuer, voire supprimer la garantie de l’emploi à vie pour certaines catégories ou dans certaines situations.
-revisiter les responsabilités de l’ordonnateur, du contrôle financier et des comptables, à partir des pratiques constatées sur le terrain.

Il faudra parallèlement faire évoluer en profondeur le mode de management de l’Etat ; gérer des personnes, des situations et non pas des règles, prendre des initiatives, innover et non pas reproduire, jouer collectif autour d’un objectif ; expliquer, écouter, faire partager ; montrer l’exemple ; plus d’autonomie, plus de responsabilité, plus de sanctions, positives et négatives. C’est peut-être le plus difficile.
En définitive il faudra passer d’une gestion fondée sur la méfiance à une gestion reposant sur la confiance, d’un pilotage visant la conformité à un pilotage ayant pour juge de paix, le résultat.


                                                                                             Pierre-Louis Rémy

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