Dans le dossier de presse de Matignon, on
trouve un oubli qui interroge. On nous annonce 17,7 milliards d’économies en
2030 du fait des deux mesures, accélération de la réforme Touraine et passage à
64 ans de l’âge de référence pour partir en retraite.
Curieusement on ne connaît pas la répartition des
17,7 milliards entre ces deux mesures.
Pourtant ces deux mesures, génératrices d’économies
reposent sur des logiques bien différentes.
L’accélération du passage à 43 ans de cotisation,
pour bénéficier d’une retraite complète touche tout le monde et même un peu
moins ceux qui ont commencé à travailler tôt, puisque ils ont déjà cotisé
43 ans ou plus quand ils atteignent 62 ans. Dans la mesure où le niveau de
retraite est pour une large part lié aux cotisations versées, la durée de
cotisation est au cœur de l’équilibre du système de retraite. Dès lors il n’est
pas choquant qu’on fasse évoluer la durée de cotisation, compte-tenu de l’évolution
de l’espérance de vie et du rapport entre les nombres des actifs et des
retraités, à condition bien sûr de prendre en compte des situations spécifiques, en particulier la pénibilité de certains métiers.
Tout autre est l’impact du report à 64 ans de l’âge
de référence pour le départ en retraite
Cette mesure touche essentiellement ceux qui ont
commencé à travailler tôt, qui ont des emplois assez peu qualifiés. A l’inverse,
ceux qui ont commencé à travailler après 22 ans, qui donc, aujourd’hui, ne
pouvaient toucher une retraite complète qu’à partir de 64 ans, seront fort peu
concernés par la réforme. Et il est à craindre que les mesures spécifiques
avancées par le gouvernement pour prendre en compte la pénibilité, atténuer l’effet
de la réforme sur ceux qui ont eu des carrières longues, n’ait qu’un impact
limité. Sinon comment comprendre que le passage à 64 ans génère des économies.
Il est donc
essentiel de connaître la part des 17,7 milliards qui correspond au déplacement
de l’âge de référence du départ en retraite, car ce montant traduira l’effort
spécifique demandé aux salariés ayant commencé à travailler jeunes, ayant
souvent des métiers modestes. On pourra alors juger de la pertinence de
l’expression de la première ministre qui samedi dernier affirmait que « les
plus modestes seront « les moins concernés » par le report de l’âge
de départ.