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5.2.18

De l’art du faux semblant : nouveau raté pour la réforme de l’Etat.



L’annonce était séduisante, et plus encore pertinente. Le président de la république avait annoncé vouloir réformer les modalités de sortie de l’ENA, avec l’objectif que les affectations soient décidées en fonction des priorités de l’Etat.
C’était du bon sens, de mettre en priorité les moyens, et notamment les ressources humaines, là où sont les enjeux majeurs. C’était une bonne entrée de la réforme de l’Etat : revoir le mode de gestion des fonctionnaires, en commençant par les niveaux les plus élevés de la hiérarchie. C’était courageux, car cela supposait de s’attaquer au système de corps et de castes, qui paralyse la gestion de la haute fonction publique. C’était rompre le cercle vicieux qui conduit les domaines les plus cruciaux de l’action publique, la cohésion sociale et la lutte contre les exclusions, l’éducation, la santé… à ne recruter, à la sortie de l’ENA, pour l’essentiel, que sous la contrainte, de jeunes fonctionnaires dont l’ambition est alors, bien souvent, de saisir l’opportunité d’aller voir ailleurs, dès qu’elle se présente.
Mais c’est en fait tout le contraire que nous propose le premier ministre, le statu quo et même d’une certaine façon, un retour en arrière.
Pour l’essentiel rien n’est changé. Les modalités d’affectation demeurent les mêmes ; comme la hiérarchie du classement de sortie. Le fait d’affecter temporairement les premiers du classement sur des fonctions prioritaires de l’Etat est un faux semblant, qui risque, en outre de générer des effets pervers, qui vont aggraver la situation actuelle.
D’abord ce n’est pas une nouveauté. Il y a près de 40 ans, par exemple le rapport Lamy Bianco (alors jeunes inspecteur des finances et membre du conseil d’Etat) a été à la base d’une évolution profonde de l’aide sociale à l’enfance, et ont largement inspiré les changements règlementaires et législatifs qui ont suivi. Bien sûr, ils étaient volontaires. Mais est-on sûr que la contrainte permettra autant d’engagement et d’efficacité.
Surtout quel sens a une affectation, normée, de deux ans. C’est une parenthèse dans la carrière. Cela n’exclut évidement pas que les « bonnes têtes », ainsi affectées fassent un travail utile. Ce peut-être une bonne méthode pour une intervention ponctuelle. Mais cela ne conduira pas à des changements en profondeur de l’action publique, qui impliquent en général un investissement durable, dans des domaines complexes, où la compréhension des acteurs, nombreux, est un gage d’efficacité.
Et puis ce processus risque d’aggraver encore la gestion courante des personnels d’encadrement des ministères « délaissés ». On peut craindre en effet que les sujets à enjeu, ceux qui permettent de se mettre en valeur et de faire ses preuves soit réservés à cette « élite de passage ».
La prise en compte des priorités de l’Etat dans la gestion de la haute fonction publique implique une toute autre approche, à l’image de ce qui se pratique dans de grandes entreprises, dont le management est cher au président de la république, investir sur les fonctions clés, repérer les compétences pour en tirer le meilleur parti et valoriser les personnes en fonction de leurs résultats.
La priorité est de rendre attrayante une carrière sur les priorités de l’Etat : ceci passe par une évolution des politiques de rémunération, très déséquilibrées entre les ministères, mais plus encore par une aide à la construction d’itinéraires professionnels intéressants et valorisants pour ceux qui s’engagent dans ces domaines prioritaires. Ce n’est aujourd’hui pas le cas. Cela implique évidemment de briser les « chasses gardées », qui permettent aux ministères « cotés » de séduire à la sortie de l’ENA. Et cela appelle sans doute aussi une refonte des conditions d’accès aux « grands corps » qui comme cela a plusieurs fois été proposé, devraient être exclusivement alimentés par des fonctionnaires ayant fait leurs preuves.
Ce sont là des réformes profondes qui demandent du temps et du courage. La réforme de l’Etat est à ce prix.