Les enquêtes d’opinion année après année, comme
l’expérience quotidienne de chacun, en témoignent : la famille est la
valeur préférée des Français. Il faut s’en réjouir, car la famille est un espace
privilégié de solidarité. C’est aussi le premier lieu de construction de
repères pour l’enfant. Que serait, aujourd’hui, notre société si ces deux
fonctions essentielles venaient à se tarir.
Comment, dès lors ne pas être atterré de la façon
dont la famille est traitée, aujourd’hui, dans le débat politique. Le discours
politique de la gauche, comme les initiatives législatives du gouvernement
sont, tout entiers, tournés vers les « nouvelles familles », laissant
la droite se poser en défenseure généraliste de la famille, alors même qu’on
chercherait, en vain, dans les années récentes où elle a exercé le pouvoir, une
réelle impulsion au service des familles. La question de la procréation
médicalement assistée pour les femmes homosexuelles occupe le devant de la
scène des discours et des commentaires, que ce soit pour la mettre en avant ou
pour la rejeter, comme si c’était un des sujets les plus urgents et importants
d’une politique familiale. La famille « traditionnelle », un père,
une mère et leurs enfants, apparaît presque un vestige du passé, bien éloigné
de la « modernité » que chacun est invité à prendre pour idéal. Et
pourtant elle représente encore la situation très majoritaire dans notre
pays : plus des trois quarts des enfants vivent avec leurs deux parents.
Bien sûr il était juste de donner aux couples,
quelque soit leur orientation sexuelle, des droits équivalents à la mesure de
leur engagement réciproque ; bien sûr il est nécessaire de donner aux
familles recomposées un cadre juridique qui assure le meilleur intérêt de
l’enfant ; bien sûr il faut lever l’anonymat pour permettre aux enfants
nés sous X d’avoir accès à leurs origines ; mais cela constitue-t-il le
cœur d’une politique familiale, d’une politique familiale de gauche ?
Comme j’aimerais que la gauche nous parle de la
famille, en reprenant les termes du préambule de la Convention internationale
des droits de l’enfant : La famille, unité fondamentale de la société
et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres et en
particulier des enfants ; comme j’aimerais qu’elle
souligne son rôle essentiel de solidarité et d’éducation. Comme j’aimerais
qu’au cœur de la politique familiale de la gauche, il y ait ce souci de
reconnaître et d’aider les familles, toutes les familles, dans leur fonction
éducative. Ce pourrait par exemple être un élément du pacte de responsabilité
d’encourager les entreprises à favoriser l’articulation entre vie
professionnelle et vie familiale, avec la même vigueur qu’est mise en avant
l’égalité hommes-femmes. Comme j’aimerais que la gauche se rappelle que, chaque
fois que c’est possible, et c’est heureusement la situation la plus fréquente,
un enfant est heureux de vivre avec les parents qui l’ont engendré, ce qu’exprime
aussi la Convention internationale des droits de l’enfant dans son article
7. Comme j’aimerais que la gauche ose dire que la famille « traditionnelle »
reste la référence, même si naturellement il faut adapter le droit et la
politique de la famille à la diversité des situations familiales, dans
l’intérêt de l’enfant.
C’est ce que nous avons essayé de faire, à la délégation
interministérielle à la famille, sous l’autorité de Martine Aubry, sous le
gouvernement Jospin, avec le souci prioritaire d’aider les familles dans le
concret de leur vie quotidienne. C’est, je crois, ce que souhaite un grand
nombre de nos concitoyens, en particulier de beaucoup de ceux qui se
reconnaissent dans la gauche. C’est le sens profond d’une politique de gauche,
qui ne discrimine personne et qui s’adresse à tous.
Pierre-Louis Rémy
Ancien délégué interministériel à la famille, 1998-2000
Ancien délégué interministériel à la famille, 1998-2000
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