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10.1.14

La fiscalité n'est pas un jeu


Après la crue fiscale, après les promesses de pause fiscale, voici l’annonce d’une future décrue fiscale. On est bien loin du courage et de la clarté du candidat François Hollande qui mettait, à juste titre, l’accent sur l’importance des choix fiscaux avec quelques objectifs simples et forts : considérer de la même manière les revenus du travail et ceux du capital, rétablir la progressivité de l’impôt, mettre de la clarté et de la cohérence dans notre système fiscal.

Après dix-huit mois d'errements, de mesures ponctuelles pour boucher des trous, calibrées en fonction des cibles électorales qu’on souhaite épargner, et souvent réajustées face à la grogne et au lobbying efficace d’un groupe de pression, voilà donc une nouvelle perspective affichée par le président de la république : « réduire les impôts des français ».

À part caresser chacun dans le sens du poil, quel sens a un tel objectif, plus encore de la part d’un homme de gauche. C’est bon de proposer aux Français des objectifs en matière fiscale, car la structure comme le volume des prélèvements obligatoires expriment bien plus surement les choix des gouvernants que leurs discours. Encore faut-il qu’ils aient du sens.

Deux questions principales relèvent du choix politique, du choix citoyen : le niveau des prélèvements obligatoires et la structure de leur financement.

Le niveau des prélèvements obligatoires 
Qu’est ce que les prélèvements obligatoires : c’est la part des ressources consacrées à des dépenses collectives. Le niveau des prélèvements obligatoires exprime le poids relatif des biens publics dans notre consommation et la place que nous reconnaissons à la solidarité publique. Il y a là matière à débat public et à choix : quelle société voulons-nous : des services publics, des services de santé, d’éducation, de gardes de jeunes enfants… accessibles au plus grand nombre ou plutôt des services privés facturés selon leur coût ; une priorité donnée aux biens collectifs, à la sécurité, à l’air pur…  ou plutôt à l’acquisition de biens individuels ; des solidarités publiques, c'est-à-dire des redistributions par l’impôt, pour les plus fragiles, pour les familles… plus ou moins fortes. C’est le rôle de la politique, des partis politiques, de proposer des choix dans ce domaine, et à nos concitoyens de choisir. Bien évidemment, selon les choix faits, les prélèvements obligatoires (impôts, charges sociales) ne sont pas les mêmes ; la société non plus.

Depuis des décennies, la France a fait le choix de services publics développés et d’un haut niveau de solidarité publique, et donc de prélèvements obligatoires élevés. Ce choix ne va pas de soi ; il peut être débattu. C’est en ces termes qu’il doit être posé.

Bien évidemment l’argent public doit être bien utilisé, particulièrement quand la société donne la priorité aux biens publics. C'est moins le niveau de la dépense publique et des prélèvements obligatoires qui pèsent sur la productivité d'un pays (1), que le gaspillage de l'argent public. À cet égard, notre pays n’est pas irréprochable. François Hollande a raison de dire qu’on pourrait faire mieux en dépensant moins. C’est pour une part la responsabilité de chacun d’entre nous, dans nos comportements quotidiens vis-à-vis des services ou des prestations publics.  L’abus, le gaspillage, sont une forme de détournement de l’argent public et nourrissent l’exaspération vis-à-vis de l’impôt.

Il est urgent aussi d’ouvrir vraiment le chantier de l’efficacité de la dépense publique, non pas dans une approche budgétaire qui conduit à appauvrir les services publics et d’abord les moins bien lotis, mais dans une approche stratégique : engager une réforme territoriale qui clarifie les fonctions, les responsabilités, les ressources et simplifie ; affecter les moyens de l’État où sont les besoins, dans l’éducation, dans la police… ; améliorer l’efficacité du système de santé qui est un des plus coûteux en Europe ; mettre en place une culture de l’évaluation et du résultat, avec l’autonomie que cela suppose (et donc une évolution de la tutelle financière) et les sanctions (positives et négatives) que cela induit.

La structure du financement des prélèvements obligatoires
Un choix de services publics développés et donc de prélèvements élevés implique une attention particulière à leurs conditions de financement. L’idéal serait que les prélèvements obligatoires portent sur les revenus finaux, bénéfices des sociétés, revenus de toute nature des personnes physiques : cela traduirait clairement l’arbitrage de la société entre consommations individuelles et consommations collectives.

Mais c’est une utopie, qu’aucun pays ne réalise complètement : d’autres ressources financent également les dépenses collectives, en particulier les taxes sur la consommation, plus indolores (?) (TVA, TIPP notamment) et les cotisations sociales, pour des raisons qui tiennent en particulier à l’histoire de la construction des systèmes de protection sociale.

Notre pays est dans une situation particulière à cet égard : les cotisations sociales et en particulier les cotisations payées par les employeurs, y sont plus élevées qu’ailleurs : plus de 11% du PIB, soit bien plus que l’Allemagne (moins de 7%), le Royaume-Uni (moins de 4%) – moyenne OCDE : un peu plus de 5%. Cela tient pour partie au fait que les retraites complémentaires relèvent en France des prélèvements obligatoires, à la différence des autres pays. C’est le choix d’une solidarité interprofessionnelle forte, auxquels beaucoup de Français sont attachés. Les entreprises allemandes anglaises ou américaines supportent également des charges liées au financement des retraites complémentaires, mais cela ne relève pas des prélèvements obligatoires.

Et cela n’explique pas tout. Il est donc pertinent et urgent de diminuer le poids des cotisations sociales dans le financement de la protection sociale, qui pèsent sur le coût du travail et donc la compétitivité. Cela n’a guère de sens par exemple que les cotisations employeurs financent largement les prestations familiales. À cet égard, plutôt que de multiplier les dispositifs spécifiques (exonération de charges sur les bas salaires ; crédit d’impôt compétitivité…) qui ont chacun leurs effets pervers, il vaudrait mieux engager une réforme générale. Nous en reparlerons.

Mais surtout il ne faut pas arrêter là l’analyse. La France a une autre caractéristique dont on parle moins souvent : la part des prélèvements obligatoires sur les revenus finaux (l’idéal utopique dont nous parlions plus haut) y est plus faible que dans la plupart des pays industrialisés. Le total Impôt sur le revenu et Impôt sur les sociétés représente chez nous environ 6% du PIB (10% si on y ajoute la CSG), à comparer à 11% en Allemagne, près de 12% aux États-Unis, de 13% au Royaume-Uni, de 30% au Danemark.

Donc s’il est prioritaire de baisser les charges patronales, il ne l’est pas de diminuer l’impôt sur les sociétés. Sans doute ne faut-il pas accroître son taux, facialement un des plus élevés de l’Union Européenne ; mais on peut améliorer son rendement, nettement en dessous de la moyenne européenne.

Quant à l’impôt sur le revenu, même si cela est désagréable, il faut habituer les Français à l’idée qu’il a, chez nous, un des plus faibles taux de rendement de tous les pays industriels. Et cela vaut encore si on ajoute la CSG à l’impôt sur le revenu ; alors que les taux affichés (ceux des barèmes) sont comparables à ceux de nos principaux voisins européens, et nettement plus élevés, si on y ajoute la CSG. Cela tient, chacun le sait, au poids des exceptions, exonérations, exemptions et autres niches. Les mesures prises ces derniers mois n’ont pas bouleversé la situation ; elles n’ont pas non plus mis de la clarté.

C’est à cela qu’il faut s’attaquer en priorité, en évitant de « noyer le poisson » par des objectifs trop ambitieux, séduisants à énoncer, mais qui ne seront pas réalisés. Ainsi en est-il de la fusion CSG-IR : comment imaginer qu’on pourra dans un prélèvement plus large, gommer les niches et autres exemptions auxquelles on n’ose pas toucher quand elles concernent le seul impôt ? Et comment mobiliser les Français sur cet objectif de fusion, qui ne leur parle pas, alors qu’une réforme d’une telle ampleur ne peut réussir que si elle suscite l’adhésion d’un grand nombre.

Le débat fiscal est dans notre pays « pipé », alors que toutes les informations sont facilement accessibles, et qu’on ne compte plus le nombre d’études, rapports, recommandations. Plus que dans tout autre domaine, il faudrait parler de la réalité, avoir du courage et considérer nos concitoyens comme adultes.


(1) Avec un impôt sur le revenu proche du quart du PIB, le Danemark exporte plus de la moitié de sa production avec un large excédent commercial.


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