Oser revisiter l’imposition
des plus-values ?
Conformément aux engagements pris pendant la campagne
présidentielle, le gouvernement a annoncé une modification en profondeur de la
fiscalité du capital : suppression de l’ISF sur les titres de valeur
mobilières ; instauration d’une « flat tax » de 30% sur les
revenus du capital. Ces mesures se traduiront par des transferts importants
vers la partie la plus aisée de la population, alors même que les inégalités de
revenus et plus encore de patrimoine ont tendance à s’accroître. Elles peuvent cependant
se concevoir. L’ISF est un mauvais impôt, comme l’illustre bien les multiples
exemptions et restrictions dont il est l’objet. Il s’applique indifféremment
sur le patrimoine liquide et non liquide.
Mais il y a là une occasion remarquable de revisiter la
fiscalité du capital et en particulier un élément très important, souvent passé
sous silence : les abattements d’assiette sur les plus-values, mobilières
et immobilières. Pour le calcul de l’impôt, les plus-values liées à la revente
d’action, sont de 65% et peuvent atteindre 85%, si la période de détention a
dépassé 8 ans. Dans le foncier et l’immobilier, la plus-value s’efface après 22
ans de détention.
Un abattement se justifie, à l’évidence, pour tenir compte
de l’inflation, qui, aujourd’hui, a beaucoup diminué. Il peut aussi être la
contrepartie de la prise de risque de l’entrepreneur ou de l’investisseur, même
si la législation prévoit, à juste titre, que les moins-values viennent en
déduction des plus-values, sur une période de dix ans.
Mais est-il légitime que les abattements soient aussi
importants et surtout sans limitation de
montant. Car la fiscalité des plus-values est, de mon point de vue la forme
la plus pertinente d’imposition du capital, puisqu’il s’agit alors de prélèver
l’impôt sur un patrimoine devenu liquide. Et le système actuel d’abattement est
peut-être une des explications de ce paradoxe mis en lumière, il y a quelques
années par T. Piketty, la baisse du taux
effectif de l’impôt sur le revenu, pour les personnes disposant des revenus les
plus élevés. Rien n’empêche en effet de placer ses revenus dans une société
de portefeuille, qu’on liquide de nombreuses années plus tard avec la
plus-value correspondant à ce qui s’est accumulé.
Une réforme d’équité, qui n’affaiblirait pas la dynamique
entrepreneuriale de notre pays, consisterait à corriger la plus-value du taux
d’inflation cumulé, à garder le système actuel d’imposition jusqu’à un certain
seuil (par exemple 1ou2 millions d’euros en cumulé sur 5 ou 10 ans) et à organiser une dégressivité des abattements,
en fonction du montant, au-delà de ce seuil. La période qui s’ouvre est une
merveilleuse occasion de faire cette réforme, à condition d’en avoir le
courage.
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