Surprenez-nous, Monsieur le président.
Parmi les attentes exprimées par nos
concitoyens, le désir de plus de participation, de plus de démocratie figure en
bonne place. Et c’est donc à juste titre que ce thème a été retenu dans le
cadre du grand débat.
Mais il y a un paradoxe. Alors qu’il
joue un rôle central dans nos institutions, le président de la république, son
rôle, ses pouvoirs sont restés curieusement en dehors du débat.
Pourtant notre pays est dans ce domaine
dans une situation particulière, qui n’a, je crois, aucun équivalent dans les
démocraties en Europe et même dans le monde.
Construite dans la perspective de
renforcer l’efficacité gouvernementale, la constitution de la cinquième
république a, en effet, organisé la prévalence du pouvoir exécutif, partagé, à
l’origine entre le premier ministre et le président de la république.
L’élection depuis 1962 du président de la république au suffrage universel,
parce qu’elle lui conférait une légitimité directe, a consacré le rôle
prééminent de celui-ci dans l’organisation des pouvoirs. L’instauration du
quinquennat, qui fait rythmer le calendrier du renouvellement de l’Assemblée
Nationale avec l’élection du président de la république, couplée avec la
funeste décision de Lionel Jospin d’inverser l’ordre de ces deux élections, en
donnant la priorité, la primauté à celle du président, a parachevé cette
organisation des pouvoirs, centrée sur l’exécutif. L’élection législative est
devenue un scrutin croupion ayant fonction à confirmer celle du président, avec
l’appui du scrutin majoritaire ; et la légitimité pour exercer le pouvoir
n’est plus celle d’une majorité parlementaire comme dans la plupart des
démocraties européennes.
Les partis ont cessé de jouer leur rôle
traditionnel et essentiel, de construction de projets politiques et de
sélection des dirigeants, pour devenir des machines au service d’un candidat.
L’élection d’Emmanuel Macron a apporté l’éclatante démonstration de cette
évolution, poussée à son stade ultime. N’ayant jamais auparavant affronté le
suffrage universel, et n’étant porté par aucune force politique, il a été élu
président de la république et, dans la foulée a fait élire une majorité, qui
ressemblait plus à un club de supporters qu’à un groupe parlementaire, enraciné
dans les territoires et dans la société.
Cette situation conduit à une
organisation pyramidale du pouvoir où tout procède du président…et de ses
proches, qui partagent la même vision, la même culture. Cela permet, bien sûr
de prendre des décisions, et, au moins formellement, de faire des réformes.
Mais il manque les ajustements, le recherches de points d’équilibre, les
échanges et explications, qui conduisent à l’adhésion du grand nombre. Et un
jour ça craque, parce-que le plus grand nombre ne se reconnaît plus dans ces décisions,
parce qu’il n’y trouve plus de sens, seulement de l’injustice.
Les réformes du Parlement, qui semblent
envisagées ne vont pas corriger cette situation, peut-être au contraire,
l’aggraver. La réduction du nombre de parlementaires va rendre plus difficile
ce lien des élus avec le terrain, qui est un fondement de la régulation
démocratique. Et l’instauration d’une dose de proportionnelle va morceler
l’Assemblée, qui risque de se trouver un peu plus affaiblie encore, face à un
exécutif, dont on ne diminue aucune prérogative. Les référendums d’initiative
citoyenne ou partagée ne modifieront pas ce déséquilibre, car comme l’a
justement rappelé le premier ministre, la démocratie participative ne peut
remplacer la démocratie délibérative.
Il n’y a pas d’autres voies pour
renforcer la démocratie dans notre pays que de rétablir un meilleur équilibre
entre l’exécutif, en premier lieu le président de la république, et le
parlement. De nombreux sujets sont à traiter, la maitrise de l’ordre du jour
des assemblées, le vote bloqué, l’article 40 de la constitution…
Cela demande du temps, des
négociations, des ajustements.
Mais il y a une mesure qui peut être
décidée immédiatement à la seule initiative du président de la république, sans
réforme constitutionnelle, sans vote d’une nouvelle loi : c’est de prendre
l’engagement d’organiser les élections législatives avant les présidentielles
de façon à redonner à l’Assemblée Nationale l’autorité qu’elle a perdue.
Monsieur le président, surprenez-nous.
Faites-le.
Pierre-Louis Rémy
Inspecteur général des affaires
sociales honoraire
Ancien conseiller social du premier
ministre Edith Cresson
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