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2.8.19

Quelques réflexions sur la preuve en médecine, en écho aux débats récents sur l’homéopathie.


Quelques réflexions sur la preuve en médecine
En écho aux débats récents sur l’homéopathie.

Comme d’autres disciplines, la médecine s’est attachée à fonder scientifiquement ses préconisations. En s’inspirant des pratiques, depuis longtemps validées dans les « sciences dures », elle a élaboré une méthodologie susceptible d’apporter la preuve de l’efficacité d’un traitement. C’est l’approche « évidence based medicine » ou médecine par les preuves.
Cette démarche est notamment utilisée pour évaluer l’efficacité d’un médicament ou d’une prise en charge dans l’absolu et en comparaison avec d’autres, en s’appuyant sur des essais cliniques comparatifs (avant la mise sur le marché) ou des évaluations en vie réelle.  Cette évaluation du « service médical rendu » et de son amélioration éventuelle par rapport à l’existant contribue à légitimer la mise à disposition du médicament et à définir son niveau de remboursement par l’assurance-maladie. C’est la mission des agences du médicament française et européenne d’une part et de la haute autorité de santé d’autre part d’apprécier ces éléments, qui débouchent sur des décisions publiques.
C’est dans ce cadre que la haute autorité de santé a conclu que la démonstration de l’efficacité des médicaments homéopathiques n’était pas établie. Cette assertion est vivement contestée par des patients, mais aussi par des praticiens, qui estiment de leur côté, apporter des preuves de l’efficacité. La bonne foi et la compétence des uns et des autres n’étant pas en cause, il faut rechercher ailleurs les raisons de cet antagonisme. Pour cela il est nécessaire de se demander ce qu’est une preuve.
La démarche de l ’«évidence based medicine » a toutes les apparences de l’incontestable : des conditions de comparaison éliminant le biais de l’observateur par la méthode du « double aveugle » ; l’utilisation rigoureuse de l’outil statistique; une attention aux caractéristiques des deux groupes comparés : état de la maladie, âge, sexe...
Et pourtant on doit s’interroger. Cette démarche expérimentale est inspirée des pratiques de la physique. Dans cette discipline, il existe un petit nombre de lois très générales et qui ont un pouvoir explicatif large. Ainsi la théorie de la relativité générale permet de bien représenter l’ensemble des mouvements du cosmos et de prédire avec une grande précision l’heure d’arrivée sur une planète lointaine d’un engin spatial lancé de la terre. Elle est validée par de très nombreuses observations expérimentales. De son côté la mécanique quantique a un pouvoir explicatif au niveau de la particule. Notons d’ailleurs que ces deux théories proposent une représentation de la matière tout à fait différente et que les tentatives pour les unifier n’ont jusqu’à présent pas abouti.
La situation est différente dans l’univers de la médecine. Même si on a d’immenses connaissances sur le corps humain, on ne dispose pas d’une loi générale qui en décrirait le fonctionnement global. L’accumulation gigantesque de données, même couplée à la puissance de l’intelligence artificielle ne nous assure même pas qu’on y arrivera un jour. C’est pourquoi d’ailleurs la médecine, aujourd’hui, n’a pas de caractère prédictif : quand le virus de la grippe se manifeste, on ne peut prévoir qu’un individu donné l’attrapera et pas un autre quelque soit le nombre de données physiologiques dont on dispose sur chacun. On peut faire des prévisions en probabilité sur une population, mais ce n’et pas la même chose.
L’analyse statistique sur laquelle est fondée la médecine par les preuves implique qu’au préalable on ait fait une hypothèse sur le mode d’action d’un traitement, la corrélation n’étant évidemment par elle-même pas une démonstration de causalité.
Et de fait chaque présentation de l’efficacité d’un médicament s’appuie sur un phénomène physico chimique dont les essais cliniques doivent prouver la validité. Ainsi, par exemple, les médicaments « anti PD 1» découlent d’une analyse rigoureuse du fonctionnement de notre système immunitaire. Il s’agit chaque fois d’une relation spécifique.
Mais on sait mal comment le corps réagit globalement puisqu’on ne dispose pas de modèle général du fonctionnement du corps humain. C’est pour cela qu’un des enjeux des essais cliniques est de repérer les effets indésirables, c’est-à-dire des conséquences de la prise d’une substance sur d’autres fonctionnalités du corps, faute d’avoir pu toujours les anticiper. Et d’ailleurs cette prise en compte est bien souvent incomplète, car, inévitablement, les essais ont une durée limitée et les effets à long terme sont donc sous-estimés, voire ignorés.
L’ « évidence based medicine » apporte des éléments de preuve, mais ceux-ci laissent beaucoup de zones d’ombre, compte-tenu des limites de notre connaissance. C’est pourquoi il me semble qu’on ne peut affirmer que ce qui ne satisfait pas à cette méthodologie n’a pas d’efficacité.
Il faut reconnaître, même si il existe sur ce sujet des controverses, que l’homéopathie, comme d’ailleurs nombre de « médecines complémentaires » résiste mal à la démarche de l’« évidence based medicine ». Cela n’est pas surprenant du fait qu’elle s’attache au fonctionnement global de l’être humain avec une approche très individualisée. On peut aussi être perplexe des niveaux de dilution des médicaments homéopathiques, pas compatibles avec nos connaissances de chimie ; et qui ne peuvent s’envisager qu’en s’appuyant sur la nature vibratoire de la matière, bien difficile à appréhender pour nous et sur laquelle bien des choses restent à découvrir. Il est donc bien normal que l’homéopathie, et en particulier les médicaments homéopathiques posent question. Mais doit-on en conclure qu’ils ne sont pas efficaces, qu’ils sont le simple support d’une pratique médicale attentive aux patients, en s’appuyant sur une méthodologie, qui certes a permis des progrès, mais qui a également de graves limites.
La décision de remboursement est une décision politique et non pas une décision scientifique. Les nombreux débats sur les effets sur l’homme des pesticides et autres substances chimiques illustrent la difficulté de prendre une décision publique sur la simple base de la science ; d’autant plus quand son champ d’application est complexe, comme l’est le fonctionnement humain. La démarche scientifique est fondée sur la controverse. La décision publique est une prise de responsabilité.
 Les témoignages de très nombreux patients et professionnels, dans le monde, sur l’efficacité de l’homéopathie, ne peuvent être écartés d’un revers de main, sous prétexte qu’ils ne s’accordent pas avec une méthodologie. Le fondement d’une politique de remboursement, à mes yeux, c’est la qualité d’une prise en charge, en prenant en compte également son coût ; et non pas la conclusion d’un débat méthodologique.  
C’est en ces termes que devrait être posée la question du remboursement de l’homéopathie. En prêtant la plus grande attention à ce que le pouvoir politique ne soit pas l’outil pour trancher une controverse scientifique.


24.4.19

Surprenez-nous, Monsieur le président.


Surprenez-nous, Monsieur le président.

Parmi les attentes exprimées par nos concitoyens, le désir de plus de participation, de plus de démocratie figure en bonne place. Et c’est donc à juste titre que ce thème a été retenu dans le cadre du grand débat.
Mais il y a un paradoxe. Alors qu’il joue un rôle central dans nos institutions, le président de la république, son rôle, ses pouvoirs sont restés curieusement en dehors du débat.
Pourtant notre pays est dans ce domaine dans une situation particulière, qui n’a, je crois, aucun équivalent dans les démocraties en Europe et même dans le monde.
Construite dans la perspective de renforcer l’efficacité gouvernementale, la constitution de la cinquième république a, en effet, organisé la prévalence du pouvoir exécutif, partagé, à l’origine entre le premier ministre et le président de la république. L’élection depuis 1962 du président de la république au suffrage universel, parce qu’elle lui conférait une légitimité directe, a consacré le rôle prééminent de celui-ci dans l’organisation des pouvoirs. L’instauration du quinquennat, qui fait rythmer le calendrier du renouvellement de l’Assemblée Nationale avec l’élection du président de la république, couplée avec la funeste décision de Lionel Jospin d’inverser l’ordre de ces deux élections, en donnant la priorité, la primauté à celle du président, a parachevé cette organisation des pouvoirs, centrée sur l’exécutif. L’élection législative est devenue un scrutin croupion ayant fonction à confirmer celle du président, avec l’appui du scrutin majoritaire ; et la légitimité pour exercer le pouvoir n’est plus celle d’une majorité parlementaire comme dans la plupart des démocraties européennes.
Les partis ont cessé de jouer leur rôle traditionnel et essentiel, de construction de projets politiques et de sélection des dirigeants, pour devenir des machines au service d’un candidat. L’élection d’Emmanuel Macron a apporté l’éclatante démonstration de cette évolution, poussée à son stade ultime. N’ayant jamais auparavant affronté le suffrage universel, et n’étant porté par aucune force politique, il a été élu président de la république et, dans la foulée a fait élire une majorité, qui ressemblait plus à un club de supporters qu’à un groupe parlementaire, enraciné dans les territoires et dans la société.
Cette situation conduit à une organisation pyramidale du pouvoir où tout procède du président…et de ses proches, qui partagent la même vision, la même culture. Cela permet, bien sûr de prendre des décisions, et, au moins formellement, de faire des réformes. Mais il manque les ajustements, le recherches de points d’équilibre, les échanges et explications, qui conduisent à l’adhésion du grand nombre. Et un jour ça craque, parce-que le plus grand nombre ne se reconnaît plus dans ces décisions, parce qu’il n’y trouve plus de sens, seulement de l’injustice.
Les réformes du Parlement, qui semblent envisagées ne vont pas corriger cette situation, peut-être au contraire, l’aggraver. La réduction du nombre de parlementaires va rendre plus difficile ce lien des élus avec le terrain, qui est un fondement de la régulation démocratique. Et l’instauration d’une dose de proportionnelle va morceler l’Assemblée, qui risque de se trouver un peu plus affaiblie encore, face à un exécutif, dont on ne diminue aucune prérogative. Les référendums d’initiative citoyenne ou partagée ne modifieront pas ce déséquilibre, car comme l’a justement rappelé le premier ministre, la démocratie participative ne peut remplacer la démocratie délibérative.
Il n’y a pas d’autres voies pour renforcer la démocratie dans notre pays que de rétablir un meilleur équilibre entre l’exécutif, en premier lieu le président de la république, et le parlement. De nombreux sujets sont à traiter, la maitrise de l’ordre du jour des assemblées, le vote bloqué, l’article 40 de la constitution…
Cela demande du temps, des négociations, des ajustements.
Mais il y a une mesure qui peut être décidée immédiatement à la seule initiative du président de la république, sans réforme constitutionnelle, sans vote d’une nouvelle loi : c’est de prendre l’engagement d’organiser les élections législatives avant les présidentielles de façon à redonner à l’Assemblée Nationale l’autorité qu’elle a perdue.
Monsieur le président, surprenez-nous. Faites-le.

Pierre-Louis Rémy
Inspecteur général des affaires sociales honoraire
Ancien conseiller social du premier ministre Edith Cresson


7.2.19

Le débat fiscal se résume à une question : quel niveau de solidarité souhaitons nous.



Le débat fiscal est central dans la vie politique d’une démocratie. Il est particulièrement urgent dans notre pays ; parce-que notre niveau de dépenses publiques est très élevé, 56,4% du PIB en 2016, le plus élevé de l’Union Européenne ; mais aussi parce que notre système fiscal est complexe, peu cohérent, illisible et de moins en moins bien accepté par nos concitoyens, quel que soit leur niveau de revenu.
Il faut, bien sûr, faire attention aux comparaisons. Notre système de retraite complémentaire, parce qu’il est national, est inclus dans les dépenses publiques, à l’opposé de ce qui se passe dans de nombreux autres pays européens. Aux Pays-Bas les prélèvements publics pour la retraite sont moitié moindres que chez nous. Mais pour s’assurer une retraite correcte, les Néerlandais consacrent plus de 6% du PIB à de la retraite privée. Au total les dépenses de retraite sont très proches. Notre natalité est plus élevée que chez nos voisins, ce qui entraine mécaniquement plus de dépenses d’éducation et pour les familles. Le niveau de chômage pèse.
Il y a aussi des biais comptables. Les niches fiscales, plus importantes chez nous qu’ailleurs, sont souvent comptabilisées à la fois en dépenses et en recettes. En 2020, la suppression du CICE, remplacé par des abattements de charges, fera mécaniquement baisser le niveau des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques d’environ 0,8 point de PIB.
Il reste qu’en dehors de la retraite, qu’on peut considérer comme un revenu différé, nos dépenses publiques, dépassent les 40% du PIB : la moyenne européenne est autour de 36%, l’Allemagne est à35%.
Dés lors se posent deux questions : peut-on les diminuer ? Comment les financer ?
Un point ne se discute pas. Il faut améliorer l’efficacité de l’action publique, proscrire tout gaspillage, tout double emploi, exiger parfois des comportements plus responsables.  Nos concitoyens seront plus enclins à payer l’impôt, s’ils ont le sentiment « qu’ils en auront pour leur argent », que les deniers publics sont bien utilisés. Il y a des marges de progression. Mais ne nous leurrons pas. Cela pourra permettre une diminution de quelques dizaines de milliards d’euros, soit 1 à 2 voire 3 points de PIB. Ce n’est pas rien. Mais nous resterons à un niveau élevé.
Au-delà, ce sont les types d’actions publiques qu’il faut interroger. Car les dépenses publiques recouvrent des réalités très différentes : le financement des services régaliens, armée, police, justice…;  de services publics, éducation, culture… ; l’intervention économique, aide à la recherche, infrastructures, protection de l’environnement et développement durable… ; la mutualisation de la prise en charge de certains risques, en matière de santé par exemple ; l’aide aux plus pauvres, RSA, aide au logement…, qui d’ailleurs ne représente qu’une part limitée du PIB (environ 4% ) et qui nous permet d’être dans l’union européenne, 6e sur 28 en termes d’égalité de niveau de vie.
Peut-on remettre en cause en profondeur l’une ou l’autre de ces dépenses ? C’est un débat difficile. Mais ceux qui appellent à une baisse drastique des prélèvements et des dépenses devraient reconnaître qu’une baisse très importante de nos dépenses publiques n’est possible qu’au prix de modifications fortes de notre action publique et de notre système social, d’autant plus que certaines situations pourraient appeler des efforts renforcés : le mal logement, les banlieues, le vieillissement de la population, le réchauffement climatique…
Ce qui est en jeu dans le débat sur les dépenses publiques, au-delà de la nécessaire amélioration de leur efficacité, c’est le niveau de solidarité publique que nous souhaitons.
Il en est de même pour ce qui concerne les prélèvements. Si on s’en tient à la fiscalité des ménages, l’essentiel des prélèvements, CSG, impôts locaux, taxes sur la consommation, sont, au mieux, proportionnels aux revenus. Seuls l’IR est progressif, mais son produit ne représente qu’une très faible part des recettes publiques, 7% environ, à comparer à 25%en Allemagne. Et la fiscalité des plus-values, qui sont une source de revenus très importantes pour les plus fortunés, comporte de très forts abattements.
Les impôts sur le capital sont plus élevés en proportion du PIB que chez nos voisins (avec semble-t-il aussi un volume de capital possédé plus important, rapporté au PIB). Ils ne représentent cependant qu’une part modeste des impôts. Les plus gros postes sont la taxe foncière et les droits de mutation à titre onéreux, qui touchent tous les propriétaires de leur logement. Le produit de l’impôt sur les successions ne représentait en 2016 qu’environ 1% des prélèvements obligatoires.
Cette situation conduit tout à la fois au rejet de l’impôt par une part importante de nos concitoyens, à la difficulté de financer les dépenses, d’où déficit et dette publics et à la nécessité de montage alambiqués, par exemple la prime à l’emploi, pour compenser les taxes et impôts payés par les titulaires de basses rémunérations.
De nouveau nous sommes confrontés à la question : quel niveau de solidarité souhaitons-nous pour la fiscalité. Solidarité à l’intérieur d’une génération : c’est la question de la proportionnalité ou de la progressivité de l’impôt ; solidarité de la génération qui s’en va, vis-à-vis de celles qui suivent, en affectant une partie de son patrimoine pour financer la dette qu’elle leur transmet. Ce sont les choix à faire en matière de fiscalité des successions.
Ceux qui s’inquiètent d’un niveau trop élevé de solidarité publique avancent deux types d’objections.
D’abord ils craignent qu’un niveau trop élevé de prélèvements et de dépenses publiques nuise à la compétitivité. Cette crainte n’est pas corroborée par les faits. Le Danemark qui a de fortes dépenses publiques (51,9% du PIB en 2017) et un impôt sur le revenu extrêmement lourd a une économie très exportatrice et peu de chômage. Si l’action publique est efficace, un haut niveau de dépenses publiques n’est pas incompatible avec un haut degré de compétitivité. Et les comparaisons sur le coût du travail n’ont guère de sens si on ne met pas en parallèle la productivité du travail. Le corollaire d’un haut niveau de dépenses publiques n’est pas la perte de compétitivité, mais l’exigence absolue d’une action publique efficace,
Une objection plus lourde est qu’un niveau élevé de prélèvement inhibe la capacité d’entreprendre, de créer, de se mobiliser dans son travail. Ceux qui proposent une baisse drastique des prélèvements, la mise en place d’un impôt sur le revenu proportionnel, soutiennent, avec de bons arguments, que c’est l’espoir de gain individuel qui fonde la motivation au travail et la prise de risque, permettant ainsi la création de richesses. Et c’est vrai que voir 30 ou 50% de son revenu, en sus des cotisations retraite, partir en prélèvements, ne va pas de soi. En même temps chacun connaît l’énergie et l’intelligence que peuvent développer des infirmières, des agents de maintenance de lignes électriques, des chercheurs, des fonctionnaires…, en contrepartie d’une rémunération modérée. Et le niveau de rémunération n’est pas un indicateur pertinent de la contribution de chacun à l’économie et à la société.
En outre une partie des revenus, notamment parmi les personnes qui reçoivent les plus élevées, est plus la conséquence d’un héritage ou d’une rente (foncière, immobilière…) que d’une prise de risque ou d’un travail d’une valeur exceptionnelle. Aujourd’hui 66% du patrimoine est hérité (47% en 1980).

Ce n’est pas un débat technique, ni même les modèles des économistes qui permettront de fonder les choix en matière de fiscalité et de dépenses publiques. Car ils traduisent, en définitive la place qu’une société veut accorder aux biens publics, aux services publics, le degré de solidarité publique qu’elle souhaite mettre en œuvre, le niveau d’inégalité dans les conditions de vie qu’elle est prête à accepter.
La primauté donnée à la réussite et à l’enrichissement individuels, à la consommation de biens et services personnels pousse à la diminution des dépenses publiques et des solidarités collectives ; avec dans nos pays européens le maintien d’un filet de sécurité minimal pour les plus pauvres. Mais, à l’inverse la montée des inégalités de revenus et de patrimoine invite à plus de solidarité. Et le réchauffement climatique met en lumière notre interdépendance et donc la nécessité d’un engagement collectif pour y faire face.
Sommes-nous disposés à une fiscalité plus solidaire, pour permettre le maintien d’un haut niveau de services publics et d’une forte solidarité publique. Peut-on conserver une économie dynamique si une part croissante de nos gains et de notre patrimoine, en fonction de leur niveau, contribue au bien public par l’impôt sur le revenu ou la fiscalité des successions. C’est de cette façon qu’il faudrait poser le débat fiscal en France et plus encore en Europe, car il est difficile, c’est vrai, d’être solitaire en cette matière. L’air du temps ne s’y prête pas. Mais y renoncer peut nous conduire à un très sombre avenir.


28.12.18

Fiscalité : ne pas se tromper d’objectifs

Fiscalité : ne pas se tromper d’objectifs

Le débat sur la fiscalité se résume trop souvent dans l’affirmation : il faut baisser les impôts. Ce point de vue mérite évidemment attention, compte-tenu de notre niveau de prélèvements obligatoires, 46,2% en 2017 selon les calculs de l’OCDE, le plus élevé de l’Union Européenne.
Mais de quels impôts, ou plutôt de quels prélèvements parle t’on ?
On pense naturellement à l’impôt sur le revenu, le plus visible, le plus sensible. Et c’est vrai que dans ce domaine, notre pays occupe aussi une place particulière…, mais sans doute pas celle qu’on imagine : nous sommes le pays de l’Union Européenne dont l’impôt sur le revenu représente la plus petite part du PIB, 3,3% en 2017, à comparer à plus de 9 au Royaume-Uni, plus de 10 en Allemagne. Cela tient pour partie au faible nombre de ceux qui le paient, mais aussi aux niches fiscales, dont profitent particulièrement les plus aisés.
Et si, selon les statistiques OCDE, nous nous rapprochons des principaux pays de l’Union Européenne, pour la part de l’imposition des revenus des particuliers, rapportée au PIB, c’est parce qu’on ajoute à l’impôt sur le revenu, la CSG. D’une certaine façon, nous avons deux impôts sur le revenu, celui qui porte ce nom et la CSG.
Mais il y a une différence fondamentale entre l’un et l’autre : l’impôt sur le revenu, dans son principe, est progressif, c’est-à-dire que le taux de prélèvement augmente avec le niveau de revenu, ce qui est d’ailleurs la règle dans les pays développés ; la CSG, en revanche est un prélèvement proportionnel : si on excepte le cas particulier des petites retraites, le taux d’imposition ne dépend pas du niveau de revenu.
L’impôt progressif occupe une place dérisoire dans la fiscalité française. Le prélèvement proportionnel, une place beaucoup plus grande.
Les décisions d’Emmanuel Macron, loin d’atténuer ce phénomène, l’amplifient. La hausse de la CSG accroît la part des prélèvements proportionnels. De même l’instauration de la flat tax (taux proportionnel de 30%, tous prélèvements confondus) sur les revenus du capital et les plus-values financières, supprime la progressivité de l’IR pour ces revenus. Enfin les mesures de défiscalisation des heures supplémentaires et de la prime exceptionnelle de fin d’année 2018 remettent en cause également la progressivité de l’IR.
C’est bien rarement que ces éléments basiques sont portés dans le débat public. Et pourtant ils sont essentiels. L’impôt progressif sur le revenu est un fondement de la cohésion sociale dans nos démocraties. Et si la situation de notre fiscalité nourrit un sentiment diffus d’injustice, c’est sûrement lié, pour une bonne part, à cet état de fait ; qui conduit d’ailleurs à des constructions bancales : on prélève la CSG sur les revenus les plus faibles…, pour la redonner sous forme de prime à l’emploi…ce qui fabrique des procédures bureaucratiques et des prélèvements obligatoires fictifs. Et les plus pauvres, qui paient la CSG, mais pas l’IR, ne peuvent profiter des réductions d’impôts liés aux dons, ni du quotient familial.
Il faut oser questionner le poids devenu extrême de la CSG dans la fiscalité personnelle. On ne peut la supprimer, aujourd’hui, compte-tenu de l’importance qu’elle a prise dans les ressources publiques. La fusion de l’IR et de la CSG est vouée à l’échec, tant les fondements de ces deux prélèvements sont différents. La priorité, c’est d’inverser le poids relatif de la CSG et de l’impôt sur le revenu dans les ressources fiscales, à l’opposé de ce qu’ont fait, depuis des décennies, les gouvernants de droite, comme de gauche. En un mot il faut baisser la CSG et accroître le produit de l’impôt sur le revenu.
Le débat fiscal se nourrit d’épouvantails qui permettent de cacher la réalité et de sauvegarder certains intérêts. On parle de baisser les impôts, sous-entendu l’impôt sur le revenu, alors que c’est le niveau de la CSG qui devrait être au cœur du débat.
De même qu’on se focalise sur l’ISF, ce qui évite d’aborder l’impôt sur les successions…Mais c’est une autre histoire.

Le débat fiscal n’est pas réservé aux experts. Posé avec simplicité et vérité, tous nos concitoyens pourront y prendre leur part.    



                                                                                      Pierre-Louis Rémy


Fiscalité : ne pas se tromper d’objectifs


Fiscalité : ne pas se tromper d’objectifs

Le débat sur la fiscalité se résume trop souvent dans l’affirmation : il faut baisser les impôts. Ce point de vue mérite évidemment attention, compte-tenu de notre niveau de prélèvements obligatoires, 46,2% en 2017 selon les calculs de l’OCDE, le plus élevé de l’union européenne.
Mais de quels impôts, ou plutôt de quels prélèvements parle t’on ?
On pense naturellement à l’impôt sur le revenu, le plus visible, le plus sensible. Et c’est vrai que dans ce domaine, notre pays occupe aussi une place particulière…, mais sans doute pas celle qu’on attend : nous sommes le pays de l’Union Européenne dont l’impôt sur le revenu représente la plus petite part du PIB, 3,3% en 2017, à comparer à plus de 9 au Royaume-Uni, plus de 10 en Allemagne. C’est moins à cause des taux des tranches de l’impôt que des multiples abattements, exonérations… qui conduisent même à ce que le taux d’imposition réel à l’IR diminue aux niveaux de revenus les plus élevés. Et si dans les statistiques OCDE, nous nous rapprochons de ces pays pour la part de l’imposition des revenus des particuliers, rapportée au PIB, c’est parce qu’on ajoute à l’impôt sur le revenu, la CSG. Pourtant il y a une différence fondamentale entre l’IR et la CSG : l’un est progressif ; l’autre proportionnel.
L’impôt progressif occupe une place dérisoire dans la fiscalité française. Le prélèvement proportionnel, une place beaucoup plus grande.
Les décisions d’Emmanuel Macron, loin d’atténuer ce phénomène, l’amplifient. La hausse de la CSG accroît la part des prélèvements proportionnel. De même que l’instauration de la flat tax sur les revenus du capital et les plus-values financières, qui parallèlement supprime la progressivité de l’IR pour ces revenus. Enfin les mesures de défiscalisation des heures supplémentaires, de la prime exceptionnelle atténuent également la progressivité de l’IR.
C’est bien rarement que ces éléments basiques sont portés dans le débat public. Et pourtant ils sont essentiels. L’impôt progressif sur le revenu est, à mon sens, un fondement de la cohésion sociale dans nos démocraties. Et la situation de notre fiscalité nourrit un sentiment diffus d’injustice, c’est sûrement lié, pour une bonne part à cet état de fait ; qui conduit d’ailleurs à des constructions bancales : on prélève la CSG sur les revenus les plus faibles…, pour la redonner sous forme de prime à l’emploi…ce qui fabrique des procédures bureaucratiques et des prélèvements obligatoires fictifs.
Il faut oser questionner le poids devenu extrême de la CSG dans la fiscalité personnelle. Il faut inverser le poids relatif de cette contribution et de l’IR dans les ressources fiscales. En un mot il faut baisser la CSG et accroître le produit de l’impôt sur le revenu.
Le débat fiscal se nourrit d’épouvantails qui permettent de cacher la réalité et de sauvegarder certains intérêts. On parle de baisser les impôts, sous-entendu l’impôt sur le revenu, alors que c’est le niveau de la CSG qui devrait être au cœur du débat.
De même qu’on se focalise sur l’ISF, ce qui évite d’aborder l’impôt sur les successions…Mais c’est une autre histoire.


                                                                                      Pierre-Louis Rémy


8.12.18

Alerte pour la République


Alerte pour la République

Le mouvement des gilets jaunes est difficile à cerner, dans ses modalités d’action, ses objectifs, son organisation. Il est plein d’ambiguïtés et de contradictions. A ce jour on ne sait pas ce qu’il en adviendra.
Mais il est l’expression de deux crises majeures auxquelles nous sommes confrontés, pas seulement notre pays, mais particulièrement pour ce qui concerne la deuxième.

1-La montée des inégalités et la perte de la perspective de vivre mieux demain :
Au-delà des statistiques et des débats qu’elles suscitent, il faut faire un constat : une partie de nos concitoyens vivent bien, et souvent de mieux en mieux ; une autre vit mal, très mal, sans perspective que cela change. Parmi ceux-ci, il y a des courageux, qui se lèvent tôt, par exemple ceux et plus encore celles qui font le ménage dans les bureaux avant l’arrivée de leurs occupants ; et des découragés. Pour eux, il est facile de dire qu’ils ne font pas d’efforts. C’est sans doute vrai pour certains, mais prenons garde de juger trop vite, sans connaître les histoires personnelles. Pour les uns et pour les autres, la vie est difficile, faite de multiples contraintes et souvent sans perspective d’amélioration. Comment peuvent-ils comprendre qu’on leur demande des efforts, si cela complique encore leur vie ; alors même que les catégories aisées ne sont pas, ou très peu affectées dans leur mode de vie, et que leur bilan carbone est en général bien plus élevé que celui des personnes moins favorisées. Comment peuvent-ils accepter une taxation supplémentaire, alors qu’à juste titre, ils perçoivent notre système fiscal comme profondément, et de plus en plus, injuste.
Il est illusoire d’avoir pour objectif à court et moyen terme une égalité dans l’empreinte carbone de chacun, à l’échelle d’un pays, a fortiori à l’échelle du monde. Mais, au-delà de la lutte contre les gaspillages, qui ne se discute pas, comment demander des efforts à ceux qui vivent le plus mal et se sentent les plus contraints, si le premier pas dans la modification des comportements ne vient pas de ceux qui ont la contribution la plus forte aux émissions de gaz à effet de serre. C’est plutôt le contraire qui se passe. Les plus favorisés n’ont aucune difficulté à contourner les effets négatifs pour eux du réchauffement climatique…en alourdissant la facture énergétique. Les climatiseurs se sont multipliés pour se préserver des températures devenues trop élevées. Et les canons à neige permettent que les vacances de ski soient toujours au rendez-vous.
Le réchauffement climatique nous rappelle un fondement souvent oublié : qu’on le veuille ou non, nous sommes interdépendants. Et ceci a un corollaire : l’interdépendance rend la solidarité nécessaire : dans la logique du chacun pour soi, l’humanité est vouée à disparaître, non d’abord pour une raison morale, mais du fait d’une cause physique. C’est sans doute parce qu’ils comprennent cette évidence que les tenants du « chacun pour soi » sont logiquement enclins à nier toute responsabilité humaine dans le réchauffement climatique.
L’urgence est donc de donner une place centrale à l’impératif de solidarité. En amont de toutes les mesures concrètes qu’on peut imaginer, c’est un objectif idéologique vital. C’est une responsabilité de chacun, plus encore des intellectuels, des philosophes, des religieux, et en premier lieu des politiques, qui, dans ce domaine, ont une fonction éminente à jouer, qu’aujourd’hui, ils n’assument pas. Ce devrait être le cœur du projet européen. Et c’est aujourd’hui, à mon sens, ce sur quoi, l’Union Européenne a failli : sur deux dossiers majeurs, celui des migrants et celui de la fiscalité c’est l’individualisme, le repli sur soi, l’égoïsme des Etats qui domine.
 2-La crise de la démocratie :
On ne réalise pas de changements véritables sans l’adhésion d’un grand nombre. Cette conviction qui est la mienne n’a peut-être pas de valeur universelle. Certains citeront peut-être, en contre-exemple, la Turquie d’Ataturk ou l’Iran du Shah. On peut débattre sur ces situations, mais ma proposition est applicable sans réserve, à nos pays développés, c’est-à-dire éduqués et complexes.
C’est le sens de la démocratie de permettre le débat public, la confrontation des points de vue et, en définitive de faire émerger des lignes d’action, autour desquelles se retrouvent une majorité. C’est aussi le rôle de la négociation sociale de définir des points d’équilibres entre différentes approches, différents intérêts, autour desquels les parties prenantes se retrouvent, peu ou prou.
Cela prend du temps, mais cela permet l’adhésion ou au moins la compréhension du grand nombre.
Construite dans la perspective de renforcer l’efficacité gouvernementale, dans un contexte de défiance vis-à-vis des partis, pourtant explicitement mentionnés pour leurs concours à la démocratie dans son article 4, la constitution de la cinquième république a organisé la prévalence du pouvoir exécutif, partagé, à l’origine entre le premier ministre et le président de la république. L’élection depuis 1962 du président de la république au suffrage universel, parce qu’elle lui conférait une légitimité directe, a consacré le rôle prééminent de celui-ci dans l’organisation des pouvoirs.
L’instauration du quinquennat, qui fait rythmer le calendrier du renouvellement de l’Assemblée Nationale avec l’élection du président de la république, couplée avec la funeste décision de Lionel Jospin d’inverser l’ordre de ces deux élections, en donnant la priorité, la primauté à celle du président, a parachevé cette organisation des pouvoirs, centrée sur l’exécutif. L’élection législative est devenue un scrutin croupion ayant fonction à confirmer celle du président, avec l’appui du scrutin majoritaire ; et la légitimité pour exercer le pouvoir n’est plus celle d’une majorité parlementaire comme dans la plupart des démocraties européennes.
Les partis ont cessé de jouer leur rôle traditionnel et essentiel, de construction de projets politiques et de sélection des dirigeants, pour devenir des machines au service d’un candidat. L’élection d’Emmanuel Macron a apporté l’éclatante démonstration de cette évolution, poussée à son stade ultime. N’ayant jamais auparavant affronté le suffrage universel, et n’étant porté par aucune force politique, il a été élu président de la république et, dans la foulée a fait élire une majorité, qui ressemblait plus à un club de supporter qu’à un groupe parlementaire, enraciné dans les territoires et dans la société.
Cette situation conduit à une organisation pyramidale du pouvoir où tout procède du président…et de ses proches,..qui partagent la même vision, la même culture. Cela permet, bien sûr de prendre des décisions, et, au moins formellement, de faire des réformes. Mais il manque les ajustements, le recherches de points d’équilibre, les échanges et explications, qui conduisent à l’adhésion du grand nombre. On peut ainsi baisser les APL de 5€, faire du mécano avec les cotisations et la CSG, faire évoluer les retraites moins que le coût de la vie… toute mesure que la direction du budget rêve de voir prendre depuis tant d’années.
Et un jour ça craque, parce-que le plus grand nombre ne se reconnaît plus dans ces décisions, parce-qu’il n’y trouve plus de sens, seulement de l’injustice.
Alors que les institutions de la République devraient avoir pour ambition de diminuer la coupure croissante entre la population et les « élites », notre système institutionnel et la pratique du pouvoir qu’il induit, renforce « l’entre soi » des dirigeants et accroît, un peu plus encore, la défiance dont ils sont l’objet.
La France, comme d’autres pays, plus encore que beaucoup d’autres, doit retrouver des institutions et une culture démocratique, qui seule assure l’unité d’une nation et permet le changement durable. Nous en avons un besoin urgent.

5.2.18

De l’art du faux semblant : nouveau raté pour la réforme de l’Etat.



L’annonce était séduisante, et plus encore pertinente. Le président de la république avait annoncé vouloir réformer les modalités de sortie de l’ENA, avec l’objectif que les affectations soient décidées en fonction des priorités de l’Etat.
C’était du bon sens, de mettre en priorité les moyens, et notamment les ressources humaines, là où sont les enjeux majeurs. C’était une bonne entrée de la réforme de l’Etat : revoir le mode de gestion des fonctionnaires, en commençant par les niveaux les plus élevés de la hiérarchie. C’était courageux, car cela supposait de s’attaquer au système de corps et de castes, qui paralyse la gestion de la haute fonction publique. C’était rompre le cercle vicieux qui conduit les domaines les plus cruciaux de l’action publique, la cohésion sociale et la lutte contre les exclusions, l’éducation, la santé… à ne recruter, à la sortie de l’ENA, pour l’essentiel, que sous la contrainte, de jeunes fonctionnaires dont l’ambition est alors, bien souvent, de saisir l’opportunité d’aller voir ailleurs, dès qu’elle se présente.
Mais c’est en fait tout le contraire que nous propose le premier ministre, le statu quo et même d’une certaine façon, un retour en arrière.
Pour l’essentiel rien n’est changé. Les modalités d’affectation demeurent les mêmes ; comme la hiérarchie du classement de sortie. Le fait d’affecter temporairement les premiers du classement sur des fonctions prioritaires de l’Etat est un faux semblant, qui risque, en outre de générer des effets pervers, qui vont aggraver la situation actuelle.
D’abord ce n’est pas une nouveauté. Il y a près de 40 ans, par exemple le rapport Lamy Bianco (alors jeunes inspecteur des finances et membre du conseil d’Etat) a été à la base d’une évolution profonde de l’aide sociale à l’enfance, et ont largement inspiré les changements règlementaires et législatifs qui ont suivi. Bien sûr, ils étaient volontaires. Mais est-on sûr que la contrainte permettra autant d’engagement et d’efficacité.
Surtout quel sens a une affectation, normée, de deux ans. C’est une parenthèse dans la carrière. Cela n’exclut évidement pas que les « bonnes têtes », ainsi affectées fassent un travail utile. Ce peut-être une bonne méthode pour une intervention ponctuelle. Mais cela ne conduira pas à des changements en profondeur de l’action publique, qui impliquent en général un investissement durable, dans des domaines complexes, où la compréhension des acteurs, nombreux, est un gage d’efficacité.
Et puis ce processus risque d’aggraver encore la gestion courante des personnels d’encadrement des ministères « délaissés ». On peut craindre en effet que les sujets à enjeu, ceux qui permettent de se mettre en valeur et de faire ses preuves soit réservés à cette « élite de passage ».
La prise en compte des priorités de l’Etat dans la gestion de la haute fonction publique implique une toute autre approche, à l’image de ce qui se pratique dans de grandes entreprises, dont le management est cher au président de la république, investir sur les fonctions clés, repérer les compétences pour en tirer le meilleur parti et valoriser les personnes en fonction de leurs résultats.
La priorité est de rendre attrayante une carrière sur les priorités de l’Etat : ceci passe par une évolution des politiques de rémunération, très déséquilibrées entre les ministères, mais plus encore par une aide à la construction d’itinéraires professionnels intéressants et valorisants pour ceux qui s’engagent dans ces domaines prioritaires. Ce n’est aujourd’hui pas le cas. Cela implique évidemment de briser les « chasses gardées », qui permettent aux ministères « cotés » de séduire à la sortie de l’ENA. Et cela appelle sans doute aussi une refonte des conditions d’accès aux « grands corps » qui comme cela a plusieurs fois été proposé, devraient être exclusivement alimentés par des fonctionnaires ayant fait leurs preuves.
Ce sont là des réformes profondes qui demandent du temps et du courage. La réforme de l’Etat est à ce prix.